lundi 19 décembre 2011

La salle de gym-troisième et dernière partie

J'ai refusé, prétextant ne plus avoir mal.
J'ai un minimum d'orgueil, et je m'étais suffisamment humiliée devant lui.

J'ai même tenté de remonter sur la satanée machine, pour me remettre à courir. Grave erreur. Ma cheville ne semblait plus vouloir soutenir mon poids, et je me suis affalée sur le tapis roulant, qui n'était pas en marche cette fois-ci. Le médecin-dieu-grec a tenté de me soutenir, et m'a relevé debout, en me grondant un peu. J'ai alors compris que je ferais mieux de me reposer sagement sur le banc, plutôt que vouloir retenter l'expérience.

Il s'est assis à côté de moi, en regardant toujours ma cheville. Elle commençait à enfler, il avait l'air inquiet. J'ai fait celle qui s'en apercevait pas, et j'ai voulu entamer la discussion.

C'est alors que tout s'éteignit.

***

À mon réveil, j'étais dans une salle de repos. Tout était blanc. J'ai d'abord cru que j'étais au paradis. Puis une dame plutôt âgée s'est avancée vers moi avec un thermomètre et un grand sourire. Si Dieu existe, il n'a certainement pas cette gueule-là.

J'ai ouvert machinalement la bouche pour la laisser prendre ma température.
J'ai demandé où j'étais. La dame m'a répondu que c'était la salle de repos du gym, pour les usagers un peu trop sûrs d'eux et qui ne connaissent pas leur limite.
J'ai voulu lui répondre que je connaissais parfaitement les miennes, mais pas celles d'une lionne affamée devant un caméraman intrépide, mais je me suis abstenue.
J'ai plutôt demandé qui m'avait emmenée ici.

-Ah! C'est mon gendre, le mari de ma fille! Il vous a vu vous blesser, et ensuite vous avez perdu conscience! Heureusement qu'il était là. C'est dommage qu'il ait dû partir aussi tôt, il avait une urgence à l'hôpital. Il m'a fait promettre de bien m'occuper de vous! Je suis infirmière alors je m'y connais. Vous, que faites-vous? Travaillez-vous aussi dans un hôpital?


Non madame. Moi, je suis avocate : et je poursuis votre gendre pour fausse représentation.




La salle de gym-deuxième partie


Étant trop absorbée par l’émission, j’en ai oublié de courir. En une seconde et quart, je me suis retrouvée fesses au sol, les pattes dans les airs, les yeux grands ouverts, et le souffle coupé.

Je pouvais apercevoir du coin de l’œil dieu grec lui-même, riant à gorge déployée. Trop généreux de sa part. Il n’y avait évidemment personne pour me venir en aide. Le tapis de course, pendant ce temps-là, continuait de tourner. Il me faisait peur. Je voulais me tenir le plus loin possible de toute machine. Je me suis levée péniblement. J’avais mal à la cheville. Le grec s’en est aperçu (je lui ai retiré son qualificatif de dieu, il ne le méritait plus). Il s’est alors approché de moi, et me dit, sans perdre le sourire :

-T’es miss catastrophe toi ou quoi? Tu vas finir par te blesser pour vrai!

-Ah oui tu penses? T’es juste aveugle ou t’as pas vu que j’ai vraiment mal?
-Bon bon, montre-moi ça. T’as fait une mauvaise chute, mais je ne pense pas que ce soit grave.

-Ahah, t’es médecin toi ou quoi?

-Oui.

Je l’ai donc laissé observer ma cheville. Mais juste parce qu’il était médecin. Il en a conclu que ce n’était rien de très grave, mais qu’il faudrait mettre de la glace. 

La salle de gym-première partie


L’autre jour, je suis allée au gym. Il n’y a pas 36 gyms dans le Mile End, alors vous vous doutez bien duquel je parle. J’ai pris l’habitude de faire mon jogging dans les rues outremontaises, mais avec le froid qui arrive, mieux vaut courir à l’intérieur que d’attraper la crève.

C’est donc avec un trop plein de motivation que je me suis dirigée vers la salle d’exercice. En arrivant, que vois-je, mon dieu grec. Oui oui, le même qui a une grand-mère sourde maniaque de chocolat[1]. Heureusement, il ne semble pas avoir gardé rancune de ce malheureux incident, puisqu’il m’a fait un petit sourire.

J’ai regardé autour de moi : il n’y avait que des mecs fringués en American apparel et ou des femmes de la quarantaine n’acceptant pas leur corps vieillissant. Bref, aucune compétition en vue.

Je me suis alors installée sur la machine qui nous fait courir. Devant moi, accrochés au mur, il avait plusieurs téléviseurs qui diffusaient différentes émissions. On avait qu’à choisir celle qui stimulerait nos neurones, pendant qu’on stimule le reste de notre corps. Pas bête.

J’ai donc commencé à regarder une émission sur le monde animal. Je trouve toujours ces émissions passionnantes. Je meure d’envie de tourner les reportages à la place des animateurs, à l’autre bout du monde. L’émission de ce soir-là présentait un homme qui se voulait l’ami des lions. J’étais sidérée.

L’homme en question était probablement dans le Serengeti, et une équipe de tournage le suivait en jeep. On voyait des lionceaux manger près des femelles, qui revenaient de la chasse. L’animateur s’est alors approché plus proche encore de la famille royale, armé de son seul courage. Il se pensait sans doute invisible. Mauvais réflexe. La lionne mère, qui n’avait sans doute pas encore mangé, s’est ruée vers lui, en rugissant, pareil comme dans les films. Malheureusement, je n’en connaitrai jamais la fin.


[1] Voir à ce sujet le billet intitulé Le supermarché.

dimanche 18 décembre 2011

Anecdote linguistique


La semaine dernière, j’ai organisé une petite soirée pour mon anniversaire dans un endroit assez fréquenté sur Parc. A priori, l’avenue du Parc est une rue plutôt anglophone, étant située dans l’Ouest, en prenant comme point de départ la rue St-Laurent. Les ¨deux solitudes¨ y partagent leur quotidien, et je n’ai jamais eu écho de quelques problèmes que ce soit.

Certaines anecdotes peuvent toutefois enrichir les conversations.

Le lendemain de cette soirée d’anniversaire, je suis retournée à l’endroit en question. La soirée ayant été fort arrosée, j’ai tout perdu/oublié là-bas. En entrant, j’ai abordé la première serveuse dans mon champ de vision :

Moi :
-Salut! Je suis venue hier soir avec mes amis, on avait la grosse table du fond. Je venais récupérer certains trucs que j’avais oubliés...

Elle, dans un français approximatif :
-Ah, je ne pas ici hier soir. Qu’est-ce que tu oublié?

Moi, en ajoutant le langage des signes à mes explications :
-J’ai laissé un sac-cadeau. Il est bleu, avec du papier de soie blanc.

Du coin de l’œil, je voyais clairement le sac que mes amis m’avaient donné, derrière le comptoir. La serveuse est toutefois partie dans la direction opposée.

Cinq minutes plus tard, elle est revenue, avec un air embarrassé :
-Je suis désolée, je n’ai pas vu. J’ai demandé à mon boss, il dit que pas vu. I’m so sorry.

Moi, les yeux rivés sur le sac-cadeau :
-Je pense que c’est lui, tu vois, à côté du barman.

Elle a vu le sac, surprise, l’a pris et me l’a remis. Puis elle s’est esclaffée, ayant compris son erreur :
-Oooooh! Je compris ‘’sac-à-dos’’! Je ne savais pas que c'était nom français pour gift bag. So funny!

Moi, en riant aussi de la situation (et un peu de la serveuse) :
-Un sac-à-dos avec du papier de soie blanc?!


Mais elle n'a rien pigé.






samedi 10 décembre 2011

Le monde des arts





Aujourd’hui, je fais plaisir à ma maman. Elle m’a offert de visiter des galeries d’art près de chez moi. Bon, je le fais aussi pour moi, bien que ma mère soit franchement plus intéressée par les vernissages que je le suis. J’y vais généralement davantage pour le vin et pour les conversations débridées qui s’en suivent. Ma mère aime l’art pour vrai.

C’est ainsi que j’ai accepté de visiter deux ou trois galeries en sa compagnie. Elle était tout sourire lorsqu’elle m’a annoncée qu’elle avait pris des cours avec l’une des artistes-exposants.

Nous partons donc d’un pas pressé vers la première galerie sur la liste (elle avait vraiment dressé une liste) bras-dessus, bras-dessous. Il faisait un peu froid dehors. C’est donc pour ma part l’arrivée de l’hiver, plutôt que l’anticipation, qui pressait mon pas.

Nous sommes arrivées dans un local assez étroit, pour ne pas dire minuscule, qui fait office de galerie d’art. Je n’ai même pas le temps d’apercevoir le premier tableau que ma mère se précipite sur la propriétaire de la place. Elle l’a connait, me dit-elle, c’est une amie du club de tennis.

Pendant ce temps, je fais la tour du ''plac-art" (la galerie d’art). Les tableaux sont plutôt intéressants, très beaux même. Je crois d’ailleurs en reconnaitre quelques uns d’un peintre que ma mère affectionne particulièrement. Je juge bon de l’interrompre pour lui faire part de mes découvertes, et montrer à la propriétaire que je m’y connais en peinture, ah ça oui madame, j’ai passé très proche d’étudier en histoire de l’art (totalement faux), et d’ailleurs vos tableaux évoquent en moi une explosion d’émotions, je m’y perds, je m’y égare, j’en suis chavirée (et ajoutant le geste à la parole, je mime de tomber à la renverse).

La dame me croit folle.

Au même moment, la porte s’ouvre et un monsieur d’une cinquantaine d’années fait son entrée. SI SEULEMENT j’avais filmé la scène. Si seulement.

Ma mère et la propriétaire se retournent, au ralenti, en ouvrant grands les yeux et la bouche. Silence radio. On se serait cru dans un film des années 20.

Le monsieur en question est le peintre dont je parlais. Lunettes noires à grosses montures, cheveux grisonnants, assez grand, il a tout de l’artiste contemporain qui a réussi. Du moins c’est l’image qu’il tente de projeter. Ma mère se précipite sur lui, accompagnée de la propriétaire. J’assiste à la scène, sans trop comprendre.

La propriétaire :
-Monsieur X! C’est un honneur! Nous parlions justement de vos toiles!

Ma mère :
-C’est vrai, et je dois vous dire, humblement, que c’est grâce à vous si je peins aujourd’hui. Un de vos tableaux m’a inspiré, et je me suis lancée. J’adore votre style, je suis une fan!

Monsieur X, peintre :
-C’est très gentil… mais quel accueil!

Et il a dit ça en regardant ma mère, dans le blanc des yeux. Elle est devenue rouge tomate, et riait pour rien, parce que ce n’était pas drôle. On aurait dit une ado qui se fait draguer pour la première fois.

Monsieur X, sur sa lancée :
-Et bien vous pourriez m’ajouter sur Facebook et… on pourrait en discuter! Votre nom c’est…?

Et ils se sont échangés leur nom complet. Sans blague. Comme des gamins de 15 ans.

Bibi :
-Boooon et bien on était JUSTEMENT sur notre départ, on a encore 8 galeries à visiter! Je ne voudrais surtout rien brusquer mais ma mère est une femme si occupée, d’ailleurs nous sommes attendues par.... par mon père, qui nous attend de l’autre côté de la rue! Vous voyez le bel homme sur le trottoir d’en face, qui fait tourner les têtes de toutes les femmes sur l’Avenue du Parc? Mais siiii, là, de l’autre côté, si vous ne le voyez pas? Bon c’est dommage, mais dans tous les cas, nous, nous devions y aller! À la prochaine cher monsieur! Et ma mère n’a pas Facebook!


Je viens de sauver un mariage.











vendredi 9 décembre 2011

La France parle de nous...!

http://www.lemonde.fr/voyage/article/2011/10/05/a-montreal-le-quartier-de-mile-end-pionnier-et-alternatif_1540693_3546.html


Un ami à moi m'avait suggéré ce lien, qui démontre clairement que mon quartier est dans les tops! La preuve, même la France parle de nous! (eh oui, je me l'approprie totalement...et j'assume!)

Je suis assez d'accord avec cet article, c'est vrai que le quartier est en plein effervescence, et pas rien qu'un peu! D'ailleurs, on ne compte plus les papiers qui décrivent le quartier du Mile End comme la nouvelle destination in à visiter! Tantôt en faisant référence au côté alternatif et urbain du milieu, tantôt à l'aspect multiculturel... Dans tous les cas, on quémande l'attention ; et ça marche!

La preuve, il y a un véritable boom immobilier. Les prix montent en flèche, et les promoteurs de nouvelles constructions ne savent plus où démarrer un nouveau projet, tant l'espace est restreint mais ô combien attrayant. Je suppose que les prix des loyers des commerces augmentent aussi... ce qui expliquerait que mes courses me coûtent maintenant la peau des fesses!

Ce qui est chouette malgré tout, c'est que le nouveau vibe attire pas mal de gens, et les week-ends, les rues sont pleines à craquer. Ça met d'autant plus d'ambiance je trouve, même si je dois maintenant attendre 30 minutes avant d'avoir une table pour déjeuner sur St-Viateur.

J'ai même vu, sur Twitter, que la chanteuse Feist, de passage à Montréal la semaine dernière, hésitait entre les bagels St-Viateur ou ceux du Fairmount Bagels! Si même les artistes viennent errer dans les rues du Mile End...


dimanche 27 novembre 2011

Le supermarché

Me voilà enfin revenue chez moi.
Quelle honte. Je m'en souviendrai toute ma vie. La dernière heure est gravée dans ma mémoire à l'encre indélébile. Tatouée dans le fond de mon crâne. Il me reste une seule option : me recroquevillée en position foetale sous mes couvertures et attendre la fin du monde.

Ou attendre que quelque chose se passe. Genre le bolide de Back to the Future qui débarque chez moi, Michael J. Fox m'offrant un lift vers le passé.

Je reste plutôt debout, sans oser faire le moindre mouvement. Je fixe le miroir devant moi, qui me reflète un visage apeuré. Et j'ai peine à croire ce qui s'est passé.

J'allais tranquillement faire les courses en un beau dimanche après-midi. À l'appart, c'était la sécheresse saharienne : un vieille boîte de sardines traînait dans le fond de la dernière étagère du garde-manger. Je me souviens l'avoir cachée là par crainte que quelqu'un la découvre et m'accuse de mauvais goût. Surtout qu'elles sont à la sauce tomate. Mes préférées.

-Faudrait faire les courses, se lamentait  ma coloc, la veille. On dirait une cuisine fantôme tellement il n'y a rien!
-Je pensais y aller ce week-end justement, ai-je répondu. T'as qu'à me remettre ta liste, je m'en occupe.

Je regrette. Terriblement.

Le dimanche suivant, je me dirigeais vers mon supermarché local sur l'Avenue du Parc, près de Laurier (pour ne pas le nommer). J'avais avec moi mes sacs réutilisables, ma VISA et mon gloss. On est jamais trop prudent.

Arrivée sur place, j'ai commencé mon petit itinéraire habituel. Fruits et légumes, pains, fromage...
Et c'est alors que je l'ai aperçu.

Entre un brie en spécial et un chèvre aux herbes de Provence, il était là à choisir sa mozzarella di buffala préférée. Un dieu grec. Beau, grand et brun. Trop mignon. Il m'a regardé et m'a sourit. Seigneur, je sentais que mes jambes allaient me lâcher. Donnez-moi la force de me maintenir debout, par pitié. Je lui ai rendu son sourire. Il m'a souri à nouveau.

J'ai alors décidé de faire ma ''hard-to-get'' en poursuivant comme si de rien n'était vers les conserves (et en évitant les sardines, je ne voudrais surtout pas qu'on me juge...)

J'ai sorti discrètement mon gloss. J'essayais de m'en appliquer distraitement, l'air de rien, mais pas de chance, le tube s'est vidé sur mes lèvres.

La gueule en surbrillance, j'ai décidé de changer d'allée. Je me sentais plus en confiance vers les produits laitiers. Je faisais la fille concentrée sur son choix entre le lait de soya, le lait bio et le lait aux amandes (je déteste les trois). C'est alors que je le vis se diriger vers la caisse. Je me disais que j'avais suffisamment de trucs dans mon panier, et que je pouvais aussi bien payer immédiatement.

Je me suis placée à la caisse jouxtant la sienne. Il m'a fait un clin d'oeil. J'allais ouvrir la bouche pour entamer la conversation, lorsque je me suis heurtée à un truc devant moi.

Le truc en question était le caddy d'une dame âgée. Elle restait à environ un mètre de la caisse, trop occupée à regarder les tablettes de chocolat.
C'est à ce moment que tout a déboulé.

J'ai gentiment demandé à la dame de se déplacer. Elle ne comprenait pas. J'ai parlé plus fort. Elle ne comprenait toujours pas. J'ai passé ma main devant son visage pour capter son attention. Aucune réponse.
Impatiente, j'ai hurlé à m'en déchirer l'oesophage. Au même moment, mon panier est tombé. Mon yogourt nature s'est vidé sur le sol. Un garçon de 10 ans qui courait par là a glissé sur la flaque. Il est tombé la main sur le coin de mon panier. Il s'est ouvert le doigt ; y'avait du sang partout.
Un prépubère boutonneux s'est mis à m'engueuler. J'ai compris qu'il était employé et que je n'avais pas encore payé le yogourt. Il a ensuite vu le sang, il est devenu vert, et il a vomi à côté de la flaque de yogourt. Mon cell a glissé de ma poche et est tombé dans ce qui semblait être les restes du dîner du prépubère.

Le dieu grec avait assisté à toute la scène. Il m'a regardé, ahuri, et s'est exclamé, en furie :

-La dame devant toi, c'est ma grand-mère. Elle est sourde et à moitié aveugle. Mais qu'est-ce qui te prend de hurler sur elle, t'as aucun respect?

J'avais envie de pleurer. J'ai tout laissé où j'étais et je me suis mise à courir.

***

En me remémorant la catastrophe, devant mon miroir, je fais deux constatations :

je n'ai plus de sac réutilisable, ni de cell.




jeudi 24 novembre 2011

Le concert




L'autre jour, un ami m'a invitée à son concert de musique. 

C'était bien généreux de sa part, surtout qu'il m'avait offert deux semaines auparavant d'assister à une autre de ses prestations, à laquelle je ne m'étais jamais présentée. C'était pourtant dans le cadre du festival Pop Montréal, avec plusieurs groupes émergents invités, dont plusieurs étaient encensés par la critique, front page des magazines culturels.

Je n'avais finalement jamais mis les pieds audit concert, sans excuse valable.

C'est donc avec empressement que j'acceptais sa seconde invitation, non sans multiplier les excuses minables pour mon absence précédente.


Le soir venu, j'invitais une copine à m'accompagner, ne voulant pas me pointer sur place toute seule. C'était peut-être un guet apens, après tout la vengeance est un plat qui se mange froid.


Sous les -1000, vêtues comme des parisiennes débarquant pour la première fois à Montréal, nous bravions le froid pour assister à ce qui allait être le meilleur concert de notre vie. 


Je plaisante.


À notre arrivée, la salle était complètement vide. Premier réflexe de mon amie : '' ooook, on fout le camp!''


Je dois avouer qu'à première vue, l'endroit n'avait rien d'invitant.


L'éclairage rappelait un mauvais film d'horreur de série B : vieux néons qui éclairaient par secousse, ampoules solitaires dont le filage diffusait une lumière rougeâtre, fumée épaisse qui se dégageait de sous des portes closes... 


Non il n'y avait pas de fumée, c'était pour la fiction. Remarquez que ça ajoute un je-ne-sais-quoi au récit.


J'ai convaincu ma copine de rester encore quelques minutes, le temps de se commander une bière au bar. Le barman était la réincarnation de Frankenstein, les clous plantés dans la tempe en moins. J'ai commandé deux bières. Aucun mouvement du monstre. J'ai répété ma demande, il a émis un grognement. Il me fixait sans cligner des yeux, le regard vide. C'est alors que je compris qu'il fallait fuir. Et vite.


Dans ma lancée vers la sortie, j'ai quand-même eu le temps de remarquer qu'il y avait des poteaux de danseuses un peu partout dans la salle. Surprenant pour un cabaret musical. Mon amie me tirait par la manche, voulant quitter l'endroit au PC. Elle venait d'apercevoir un autre homme qui sortait d'on ne sait où et qui titubait les bras tendus vers l'avant en criant dans un dialecte inconnu et en regardant le sol comme s'il allait se dérober sous ses pieds.


Un vacarme pas possible s'est échappé des haut-parleurs accrochés au mur, alors qu'on courait maintenant vers la sortie. Je n'ai même pas le temps de constater si c'était vraiment de la musique qu'on entendait, que nous étions déjà dehors à se regarder sans comprendre ce qui venait de se passer. J'en ai fait des cauchemars toute la nuit.




J'ai appris quelques jours plus tard que le concert de mon ami avait eu lieu la veille. 









mardi 22 novembre 2011

Aujourd'hui est le premier jour du reste de ma vie.

J'ai franchi la frontière. J'ai traversé la ligne. J'ai atterri dans la cour des grands.

Je possède un Mac.








...

lundi 10 octobre 2011

C'est exactement lui !! Avec le même regard inquisiteur...
Il a un petit je-ne-sais-quoi de mignon, faut le reconnaître.

lundi 3 octobre 2011

Le chat

Je n'ai jamais voulu de chat. Je n'ai très franchement que peu d'affection pour cet animal. Lui et moi avons toujours eu une relation compliquée.

J'avais lu dans une encyclopédie, très jeune, que les chats sont les animaux les plus égoïstes et les plus indépendants. On y décrivait l’image suivante pour illustrer cette réalité : 
"Lorsqu’un chat frotte son pelage contre votre jambe en vous faisant croire qu’il s’agit d’une marque d'affection, il se comporte ainsi pour marquer son territoire."

En clair, il vous fait savoir qu'il vous possède. Sympa, non?

Cette brève introduction pour en arriver au fait que j'ai un chat. Ne vous réjouissez pas trop vite, c'est bien malgré moi.

L'hiver dernier (mon tout premier dans le quartier), un chat inconnu s’est pointé un beau matin devant ma porte. D'accord, il était mignon. Oui, il faisait froid. Mais lui et moi n'avions rien en commun, certainement pas l'intérieur de ma demeure. Malheureusement pour moi, il voulait visiblement entrer. Il poussait sur mon pied avec sa petite tête de chat pour m'empêcher de franchir la porte. Effronté vous dites? Je croyais rêver. 

Le manque de caféine aux aurores accentuait mon agressivité. Je n'ai fait ni une ni deux, et j'ai foutu un bon coup de pied aux fesses de ce satané animal.

Il était un peu surpris sur le coup. Remarquez, je l'aurais été aussi. Après un vol plané de plusieurs mètres, par-dessus le garde-fou, il atterrit tout juste devant les roues du camion à déchets. 

Et c'est ainsi que se termine l'histoire du pauvre chat qui s'approchait trop près des jeunes filles amères envers la race féline.

Mais non, je pousse la fiction un peu. On se croirait dans une fable de La Fontaine. Il est seulement tombé par-devant la petite marche. Et je vous assure que mon pied a tout juste frôlé son arrière-train. Je ne pourrais jamais faire preuve d'autant de cruauté envers un animal. Il ne semblait pas blessé, juste un peu abasourdi –à quel point un chat peut-il être abasourdi? Je l’ignore.

Quoi qu'il en soit, mon geste ne l'a jamais découragé de revenir, semaine après semaine. Bien au contraire.

D’ailleurs, un soir que je revenais du travail (quelque temps après la tournée du Bonhomme sept-heures), je suis tombée nez à museau avec la bête. Pas devant chez moi, ça aurait été trop facile. Le matou s’était introduit à l’intérieur, Dieu seul sait comment. Il n’avait pas même pris la peine de se cacher ; il avait poussé l’arrogance à m’attendre sagement devant la porte, le regard fixé sur mon être. Il était assis sur le parquet, le dos bien droit, comme pour exposer sa fierté d’avoir réussi l’impensable. Je le haïssais doublement. Il ne bougeait pas, il attendait mon premier mouvement. On se serait cru à une partie d’échec. Je ne saurais dire combien de temps a duré ce moment, mais je vous jure que pendant ces quelques minutes, la terre s’est arrêtée de tourner. Et j’exagère à peine.

-Il est beau ce chat, on pourrait l'adopter! criait ma coloc de la cuisine, qui fleurait bon le ragoût mijotant. ERREUR. Ma coloc ne cuisine pas.

-Tu plaisantes.

-On pourrait lui installer une petite litière au sous-sol!

Ma coloc est géniale. Une fille brillante, jolie et drôle à ses heures. Une perle. Toutefois, il lui arrive de perdre la raison.

-On pourrait l'appeler Billy! Dis-oui!

J'ai dit non. Et j'ai rajouté que j'étais allergique. Fin de la discussion.
Elle n'a pas trop aimé, avec raison. J'ai fait preuve d'un peu d'étroitesse d'esprit. Je ne voulais pas le laisser gagner! Je me sentais étrangère chez moi, comme s’il avait conquis les lieux. En d’autres termes, il « ownait » la place. 

Je l’ai donc pris dans mes bras, et l’ai déposé (jeté) dehors. Je savais pertinemment qu’il reviendrait. Si ce n’était pas ce soir-là, ce serait un autre jour. C’était indubitable.


Évidemment qu’il est revenu. Je le croise au moins une fois toutes les semaines. Parfois dans le jardin, parfois sous l’escalier, parfois dans ma chambre…

Je n’ai AUCUNE idée comment il arrive à s’introduire chez moi. En vertu des articles 348 et suivants du Code criminel, il s’agit d’une introduction par effraction :

"348. (1) Quiconque, selon le cas :
a) s'introduit en un endroit par effraction avec l'intention d'y commettre un acte criminel;

(...)

est coupable:
d) soit d'un acte criminel passible de l'emprisonnement à perpétuité, si l'infraction est commise relativement à une maison d'habitation; "

Je consens que ce ne soit pas dans un dessein criminel, certes. Mais les chats sont sournois. Avec eux, on ne sait jamais. Et de toute façon, il y a une présomption qui joue en ma faveur[1]

J’en conclus ceci : l’adversaire est redoutable. C’est un combat de longue haleine. Aucun effort n’est vain!

Ma coloc me trouve totalement ridicule.

***

L'autre jour, "Billy" est revenu. Et croyez-le ou non, je l'ai laissé entrer, lui et son petit air niais. Je savais bien qu'il n'était pas niais pour vrai, c'était une ruse : il est d'une intelligence toute calculée.

Et pourtant... il m'a eue.





[1] Voir à cet effet 348 (2) C.cr. :
« (2) Aux fins de poursuites engagées en vertu du présent article, la preuve qu’un accusé :
a) s’est introduit dans un endroit par effraction ou a tenté de le faire constitue, en l’absence de preuve contraire, une preuve qu’il s’y est introduit par effraction ou a tenté de le faire, selon le cas, avec l’intention d’y commettre un acte criminel ».